Dans le premier volet, "Donation de titres avant cession : les schémas se valent-ils toujours fiscalement dans tous les cas ?", nous nous étions intéressés à la donation de titres de l'entreprise avant leur vente ultérieure. Nous avions notamment vu au travers d'un cas réel traité avec notre logiciel Easy by Exceliances® que si l'on accepte l'idée de donner tout ou partie de ses titres avant leur cession, en pleine propriété ou en démembrement de propriété, alors il existe plusieurs schémas qui permettent d'obtenir un "double effet" positif sur le plan fiscal :
- un "discount" plus ou moins intéressant sur la fiscalité de la vente de ses titres par rapport à une situation avec vente sans donation préalable[1],
- avec en prime une réduction de la facture fiscale pour ses héritiers lors du décès du donateur.
Peut-on pour autant en conclure à une généralité ?
Sur un plan purement fiscal, aussi sûr qu'une loi dispose et qu'un contrat stipule (plus original que l'adage "Aussi sûr que la Mort et les Taxes" 😉), ce serait un peu vite oublier qu'un impôt est certes composé d'un taux, mais également d'une assiette imposable.
Pour nous en assurer, prenons le cas cette fois d'une plus-value brute de cession de valeurs mobilières non plus de 1,8 M€, mais de 99,8 M€.
Les résultats, obtenus facilement et rapidement grâce à Easy by Exceliances®, sont sans appel : si le seul objectif poursuivi est d'optimiser, en France, la fiscalité de la cession à titre onéreux (la vente), alors aucun des schémas de donation envisagés ici ne le permet. Les montants nets obtenus après la vente sont toujours inférieurs à une cession sans donation préalable.
Pourtant, les calculs ont été faits avec chacun des 6 couples possibles pour cette dirigeante en matière de régimes d'impositions/abattements de la plus-value de cession, que ce soit pour son foyer fiscal ou bien pour celui d'un donataire[2]. Las ! Les chiffres présentés ici sont "le meilleur choix", à savoir le moins onéreux pour chaque foyer fiscal[3].
Même lorsque les droits de donation, soumis à la TMI de 45 %[4] sont admis en réduction de la plus-value de cession du redevable (la donatrice ou le donataire, suivant le schéma retenu), cela ne change rien à l'affaire.
Ici, compte tenu des montants en jeu, un changement de régime matrimonial et une donation par le conjoint d'une partie des titres devenus communs n'auraient que peu d'effet, compte tenu de l'objectif poursuivi. En effet, la TMI des droits de donation serait toujours de 45 % pour chaque donataire, et les deux donateurs appartiennent au même foyer fiscal pour le calcul de la plus-value de cession des titres.
Mais si la priorité de la chef d'entreprise ou du dirigeant est de protéger au mieux sa famille lors de son décès, alors cette stratégie prend tout son sens : le gain fiscal en matière de droits de succession est immédiat, et conséquent; entre 58,1 % et 98,6 %, suivant que l'on s'est orienté vers une répartition du prix de vente en pleine propriété entre usufruitier et nu-propriétaire[5], vers un remploi en démembrement du produit de la cession, un quasi-usufruit, ou bien encore que l'on à choisi de se déposséder irrémédiablement en pleine propriété au profit du ou des donataires. Cette tendance est encore renforcée si le décès de la dirigeante survient après le délai de rappel fiscal des donations de 15 ans.
Et si l'on ajoute, en respectant toutes les conditions requises, un pacte Dutreil transmission (art. 787 B du CGI) venant réduire de 75 % l'assiette taxable des droits de donation sur les titres transmis de l'entreprise, avec en prime une réduction de droits de 50 % en cas de transmission à titre gratuit en pleine propriété avant les 70 ans du donateur, alors là…
Les coûts fiscaux de la donation puis de la cession sont réduits de 33,5 % à 76,4 %, pour atteindre 6,56 M€ à 18,5 M€ suivant le schéma adopté, contre 27,83 M€ sans donation préalable à la vente des titres. L'effet est similaire sur la succession de la dirigeante : un "discount" de 48,3 % à 98,6 %, soit des droits de succession & émoluments du notaire de 321 K€ à 11,85 M€, au lieu de 22,92 M€.
Au final, la pression fiscale globale (donation, cession, succession) passe ici de 50 % sans donation, à 7 à 30 % suivant le schéma de transmission anticipée retenu. La part nette transmise aux héritiers en cas de décès dans les 15 ans de la donation est augmentée de 40,6 % à 87,3 %, soit 70,65 M€ à 94,12 M€, contre 50,25 M€ sur un patrimoine initial de 101 M€ avant la vente. Cet effet est renforcé si la succession s'ouvre après le délai de rappel fiscal des transmissions à titre gratuit.
Alors, la donation avant cession avec Pacte Dutreil est-elle pour autant le schéma magique universel ? Pas sûr, car le diable se cache souvent dans les détails. Ce serait par exemple oublier un peu vite les subtilités légales ou doctrinales nécessaires à la mise en œuvre et au maintient du pacte dans le temps.
Sans compter celles relatives à la donation, qui peut notamment se faire avec charges, être égalitaire ou non, figer ou non les valeurs pour les mécanismes du rapport et de la réduction au décès du donateur. Et qui conduit quand même ce dernier à se déposséder immédiatement de tout ou partie de la "substance juridique" de ce qu'il donne : le nu-propriétaire, par exemple, est assimilable à un plein propriétaire à terme, qui a des droits et des devoirs que l'on peut aménager.
Par ailleurs, dans le cas de notre dirigeante, pour que le pacte Dutreil, qui porte ici sur l'intégralité des titres donnés, produise tous ses effets en termes de diminution des impositions consécutives à la donation puis à la vente, 4 à 6 ans sont en principe nécessaires entre le jour de la donation et celui de la cession, suivant que le pacte est réputé acquis ou non.
D'où l'intérêt de donner assez tôt sur un plan fiscal ? Vérifions-le tout de même ici en imaginant 4 scénarios de variation du prix des titres entre le jour ou je donne, et celui ou je vends :
- dans le cas d'une baisse de 20 % de la valeur des titres entre les deux dates;
- en cas de hausse de 50 %;
- en cas de hausse de 200 % (valeur des titres x3 entre les deux opérations);
- si j'attends et que je donne lorsque la valeur des titres a augmenté de 200 %.
Si l'on s'intéresse principalement à maximiser le montant net perçu au niveau familial après la vente, presque tous les voyants seraient ici au vert par rapport à une vente des titres sans donation préalable. Avec tout de même un point d'attention, variable suivant le schéma retenu, en cas de forte hausse de la valeur des droits sociaux entre le jour de la donation et celui de la vente (scénario 3 ci-dessous).
Si l'on priorise la protection de la famille en cas de décès en déterminant quelle serait la part nette des héritiers de la dirigeante suite à la vente des titres, on s'aperçoit, au cas d'espèce, que quelle que soit le moment où l'on donne, in fine, ce serait se payer une belle "assurance décès" que d'avoir donné avec un pacte Dutreil avant de céder. Pour s'en convaincre, le tableau ci-dessous vaut mille mots.
Tout est donc une question de priorités, qu'il est encore une fois primordial de bien établir avec la personne que l'on conseille avant de choisir un schéma définitif. Il est par ailleurs possible de "mixer" plusieurs de ces schémas pour composer celui qui correspond le mieux à la situation du chef d'entreprise et à ses souhaits. Ce qui peut être aisément effectué avec Easy by Exceliances®.
Au stade de l'analyse, il est en effet temps pour le conseil du dirigeant de tester ses différentes pistes de solutions, ce qui passe en principe inévitablement par des calculs, et un comparatif. Easy by Exceliances® vous y aidera, c'est dans son ADN. Il vous permettra également de valoriser votre conseil, avec un rédactionnel adapté et des livrables qui couvrent l'ensemble de votre process, que vous pourrez modifier à l'envie.
Cependant, comme en management, des choix opérés uniquement sur la base de tableaux de chiffres risquent de faire passer à côté de l'essentiel. Comme par exemple la faisabilité pratique du schéma envisagé.
En effet, parmi les questions intéressantes à se poser en cours de réflexion, vient notamment celle-ci : mais au fait, comment le redevable va-t-il financer les droits de donation dont le paiement, en principe immédiat, intervient avant la vente ? D'autant que lorsque le donataire est également celui qui doit régler la fiscalité sur la vente des titres, il est en principe préférable que ce soit lui qui finance les droits de donation, afin de pouvoir les déduire de la plus-value imposable.
A défaut de liquidités suffisantes, il existe notamment la possibilité de bénéficier du régime d'étalement du paiement des droits sur 15 ans, contre garantie et intérêts annuels (différé pendant 5 ans, puis fractionné pendant 10 ans) mais qui ne peut pas toujours, hélas, en pratique, être mis en place eu égard aux conditions d'application requises. D'autres solutions existent, mais ce n'est pas le sujet 😉
L'analyse de la situation initiale du dirigeant ou de la chef d'entreprise, sous tous ses angles, toujours…
Pour conclure, je dirais que chaque cas est différent. Les certitudes absolues et les schémas tout fait & universels peuvent faire plus de mal que de bien. A l'image de ce chirurgien, rompu à son Art, qui m'avait opéré d'un tendon d'Achile il y a quelques années. Certain de son diagnostic, il n'avait pas souhaité le corroborer par un examen complémentaire (radio ou IRM) et une analyse plus poussée. Ce n'est que sur la table d'opération qu'il s'est rendu compte qu'il s'était trompé… "Errare humanum est", mais "perseverare diabolicum" ! Autrement dit, l'erreur est humaine, persévérer est à éviter…😊
Auteur Olivier TUBETTI
Notes :
[1] Suivant assiette brute taxable à l'IR du redevable de l'imposition et impact de la déductibilité éventuelle des droits de donation, alors considérés comme des frais d'acquisition des droits sociaux cédés pour les opérations réalisées depuis le 3 juillet 2001; la plus-value brute pouvant ensuite être réduite après prise en compte de moins-values éventuelles de moins de dix ans reportables, et prise en compte d'abattements variables suivant date d'acquisition des titres - avant/après 01/01/18 - ou départ à la retraite du contribuable, sous conditions; imposition de la plus-value de cession de valeurs mobilières, art. 150 0A du CGI ; BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 du 20/12/19 pour les différents cas de démembrements.
[2] - En cas de choix du PFU : abattement retraite pour le donateur uniquement, ou sans abattement ;
- en cas de choix du barème progressif, optionnel :
o sans abattement,
o et pour le donateur uniquement : avec abattement retraite, ou avec abattement de droit commun de 65 % après 8 ans de détention des titres, ou bien encore avec abattement renforcé de 85 % (même durée de détention).
[3] Meilleur choix pour chaque foyer fiscal : option pour le barème progressif de l'IR avec abattement renforcé de 85 % pour la donatrice, PFU sans abattement pour le foyer fiscal de chaque donataire, le choix du régime b. prog ou PFU étant ici indifférent lorsque le schéma fait apparaître une moins-value reportable pendant 10 ans chez le donataire).
[4] 45 % est la tranche marginale la plus élevée du barème de 'l'imposition des transmissions en ligne directe, à compter de 1 805 677 € par enfant; art. 777 du CGI
[5] Solution applicable par défaut, sauf stipulation contraire préalable à la vente.
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